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Stéphane Hubert

Initialement professeur de piano pour chats, je décidai un beau jour et sans crier gare de me mettre à un autre instrument.




Lassé de revenir à la maison et d’entendre mon chat faire ses gammes, je finis un jour par me raisonner en me disant que l’instrument "Stick Chapman" étant enfermé dans une boîte scellée, le furtif et rusé animal n’y aurait pas accès.
 
Á la limite je n’avais pas même besoin de l’ouvrir pour ne pas susciter la curiosité de mon animal domestique préféré. Je pouvais le conserver tel quel pendant un certain temps sans y toucher, et attendre patiemment pour l’ouvrir que le chat soit habitué et ne s’étonne plus de la présence de ce curieux parallépipède en métal. En quelques clics de souris, j’en trouvai un sur Internet que j’achetai sans plus attendre.
Le vendeur était canadien. Au début, son nom typiquement québecois me fit penser que je pouvais communiquer en français avec lui. Las ! Non seulement il ne parlait pas français mais l’instrument avait appartenu à une pointure, un joueur argentin ayant pour prénom Guillermo.



Ce dernier l’avait acheté en Californie. Puis, migrant en Espagne, il avait rencontré mon Québecois anglophone et le lui avait vendu. Ensuite, mon vendeur était reparti vers Montréal où je ne tardais pas à le retrouver grâce à Internet : il était cerné. Il comprit qu’il ne pouvait plus guère éviter de me le vendre. Plus d’échappatoire, plus aucune. Totalement coincé il était.
La diaspora a ses antennes partout.



Lorsque l’instrument fut enfin chez moi, mon chat essaya de faire ses griffes sur le capot de l’instrument. Était-ce une façon personnelle, typiquement féline, de fêter les retrouvailles de la technologie américaine avec la tradition musicale du Vieux Continent ? 
Je n’ai jamais su ni compris ...
Sans succès de sa part, il renonça très vite à comprendre le mystère de cette boîte close que je n’ouvrais jamais. Ce fut un bon raisonnement car du coup, il n’est plus envieux : il m’écoute faire mes gammes. Á l’occasion il me fournit même quelques conseils, le tout gracieusement.



Depuis, la paix et la tranquillité sont revenues chez moi. Nous passons nos journées à répéter chacun dans une pièce et les relations se sont nettement améliorées.
Récemment, nous avons envisagé de jouer ensemble le duo des chats de Rossini, dans une transcription pour piano et Stick faite par un aficionado japonais dont j’ai oublié le nom. Je goûte quelquefois à sa patée pour voir si elle est bien préparée et à la bonne température. En échange, il me laisse accorder mon instrument sur son piano : eh oui, du coup mon piano est devenu le sien mais je ne pense pas avoir perdu au change.
Pas encore.
C’est la musique qui doit vous posséder et pas le contraire, n’est-ce pas ? Aimez-vous ce genre-ci ou bien préférez-vous celui-là ?



Cette situation a quelques avantages cependant. Mon chat a le miaou absolu : je m’explique. Au début j’essayais (assez péniblement) de m’accorder en essayant de percevoir les infimes variations de tessitures : je tentais d’ajuster chacune des douze cordes que compte mon instrument. Souvent je me trompais de clé et la plupart du temps, au final, partie basse et haute ne sonnaient pas à l’unisson.
Sentant le trouble profond où cela me mettait et percevant mon énervement croissant, l’animal inventa un feulement correspondant exactement à la tonalité de chacune des douze cordes.



Hélas, comme dit le poète, le bonheur est comme une amphore à double fond : il fuit, il est de courte durée. Depuis quelque temps en effet, mon chat commence à s’intéresser de plus en plus à la guitare.



Cela m’inquiète un peu car je n’ai aucun don pour la cornemuse indienne.


(Cette fiche de présentation a fait l’objet d’une courte nouvelle qui a été publiée dans le numéro double 64/65 de la revue Chimères, revue des schizoanalystes fondée par Gilles Deleuze et Félix Guattari)





   




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