Tom Griesgraber
Un jeune joueur qui monte, qui monte...
par Yannick / Bruno Ricard

Mouarf...
Cette interview a été conduite en 2005, si je ne m’abuse, par Yannick Lepetit à l’occasion d’un concert donné en France par la paire Marotta/Griesgraber.
Depuis, le compte-rendu de cet entretien a croupi pour une raison inconnue (enfin... que vous ne connaitrez pas :-p) dans les coulisses (limbes ? catacombes ?) du site de l’AFSTG...
Comme l’actualité de notre duo est plus que chargée en ce moment et qu’il multiplie les concerts en Europe, il peut sembler encore judicieux de publier cet entretien (au fait, comme d’habitude, quand je suis pas arrivé à trouver une traduction satisfaisante, j’ai laissé ses propos tels quels mais en italique). Surveillez son planning de shows, il se pourrait bein qu’il passe près de chez vous un de ces 4 !
Maintenant, place à Tom Griesgraber !!!

1) Bonjour ! Petite présentation de toi, STP...

Je viens de San Diego en Californie. J’y ai vécu la plus grande partie de ma vie, excepté quand j’étudiais la musique au “Berklee College of Music” à Boston. J’y ai obtenu un diplôme en tant que guitariste en 1995 et j’ai acheté mon premier Stick en 1997. En 1998 et 1999 j’ai beaucoup travaillé au niveau home studio et j’ai enregistré le premier CD d’Agent 22. Quand le CD est sorti, nous avons commencé à nous produire sur scène. A peu près en même temps, j’ai aussi commencé à faire des concerts solo.

Au début de l’année 2000, Agent 22 a gagné une compétition musicale locale à San Diego, face à environ 120 groupes locaux dans l’un des plus grand clubs de San Diego. Cela nous a permis de faire les premières parties de plusieurs artistes très connus, lors de leur passage dans le sud de la Californie, dont Al Dimeola, Stanley Jordan, The Tony Levin Band, The California Guitar Trio, Bill Bruford’s Earthworks, Tower of Power, The Steve Morse Band, The Dixie Dregs, Larry Carlton, Steve Lukather et le Jazz Mandolin Project.

Faire la première partie de California Guitar Trio a fait qu’ils nous ont souvent emmenés en tournée pour faire leurs premières parties ou comme invité spécial. J’ai fait 5 tournées avec eux (environ 80 shows) dans tout les Etats-Unis. Ce sont de brillants musiciens et de très bons amis et j’ai toujours adoré collaborer avec eux. J’ai eu la chance de pouvoir les avoir sur un morceau de mon album solo et j’ai fait un peu de mixage audio sur leur dernier album. Grâce à eux j’ai aussi rencontré le batteur Pat Mastelotto (King Crimson) et j’ai également eux la chance de l’avoir sur mon CD.

En faisant une première partie pour le Tony Levin Band en 2002, j’ai pu rencontrer le batteur Jerry Marotta. J’étais fan de Jerry depuis plusieurs années et on a eu l’occasion de parler ensemble à ce concert. Il m’a invité à venir dans son studio à Woodstock pour commencer à travailler sur un enregistrement ensemble. J’ai sauté sur l’occasion, et dès lors, nous avons passé plusieurs mois à composer, arranger et enregistrer un album. Alors que l’album était vraiment une collaboration entre Jerry et moi, nous avons invité le claviériste Harvey Jones (Chris Botti) et Tony Levin.

Aujourd’hui, Jerry et moi jouons de plus en plus de concerts en duo, et quand on ne fait pas ça, j’en profite pour faire des concerts solo.

2) Comment es-tu venu à la musique ? Quel est ton parcours musical ?

Ma mère raconte que quand j’avais environ 5 ans, je lui ai demandé si je pouvais jouer du violin. Je ne me souviens vraiment pas pourquoi je voulais jouer de cet instrument. Finalement, elle acheta un piano, et à la place des leçons de violon, j’ai suivi des leçons de piano. J’ai dû en prendre pendant six ans, et j’ai aussi eu la chance de jouer du violon pendant un an ou deux durant cette période. Par la suite, j’en ai eu marre des deux et j’ai laissé tomber. Pendant plusieurs années je n’ai plus joué de musique du tout. Vers mes 15 ans j’ai eu une guitare électrique. Au début j’ai appris tout seul (rock), mais par la suite, j’ai pris des cours (jazz et classique) et encore après, j’ai étudié la guitare à l’Université, principalement dans les styles rock/pop/jazz.

3) Comment as-tu découverts le Stick ?

Je pense que la première fois où j’ai vu un joueur de Stick, c’était quand j’ai commencé la guitare. J’étais à l’Université de Pittsburgh pendant un programme d’une semaine, et je crois me souvenir que quelqu’un y jouait un solo au Stick. Cela ne m’a pas vraiment donné envie à ce moment là. La première fois où j’ai vraiment été attiré par le Stick, c’est quand j’ai vu Tony Levin, Jerry Marotta et Steve Gorn jouer au NAMM show en 1997. Ce concert m’a scotché ! Je crois qu’à ce moment-là, j’étais un peu fatigué de la guitare et j’avais envie de quelque chose de différent. Juste entendre le Stick joué dans ce groupe fut une révelation. Voilà un instrument qui n’avait pas tout à fait le son d’une guitare, ni tout à fait celui d’une basse, et qui faisait de la musique qui sonnait différement de tout ce que j’avais pu entendre venant de guitaristes ou de bassistes.
Et encore... ce qu’ils faisaient me semblait assez simple que je m’imaginais bien pouvoir le rejouer si j’avais un Stick. J’étais "accro" ! C’était fin Janvier 1997 ; en Juillet ; j’ai reperé un Stick d’occasion et c’est comme ça que j’ai pu commencer.

4) Quel style de musique tu joue, et quelles sont tes influences ?

Ce qui m’intéresse le plus dans la musique a toujours été d’écrire et d’enregistrer des performances “live”. J’adore énormément me produire sur scène, mais s’il fallait que je choisisse, ce serait la composition, c’est définitivement plus intéressant pour moi. Donc, la musique que j’aime jouer, c’est surtout mes propres compositions. Je ne pense pas en terme de style quand je compose, bien que cela tende vers le rock et le jazz puisque c’est ce que j’ai étudié. Il y a des influences prog-rock/pop mais la plupart des gens qui écoutent ont tendance à appeler ça du jazz. J’ai beaucoup appris de gens comme Peter Gabriel, King Crimson, The Police et Sting, The California Guitar Trio, Pat Metheny et Eric Johnson depuis des années, et on peut entendre ses influences dans ce que je fais.

5) Peux-tu nous parler un peu des effets que tu utilises avec ton Stick ? Comment tu câbles tout ça (surtout au niveau du loop pour les 2 blocs du Stick en même temps) ?

J’ai quelques petites variations dans mon matériel. J’utilise une configuration légèrement différente selon que je sois en studio ou sur scène, alors je vais te donner le détail des deux.

En studio je commence par un preamp True Systems P2 pour les 2 blocs du Stick. True Systems fait de bons préamplis, distribué par Sennheiser/Neumann. C’est de loin le meilleur son de pré-ampli que j’ai trouvé pour le Stick. Il y a 2 sorties pour chaque bloc, alors, quand j’enregistre, je peux envoyer un son direct et un deuxième signal vers mes effets. En principe j’utilise un Boss SE-70 pour chaque bloc du Stick, plus un G-Force TC-Electronics sur le bloc mélodique. J’ai aussi un capteur MIDI sur ce bloc et je l’utilise avec une interface GI-10. Pour l’enregistrement, je branche le GI-10 dans un XV-5080, un module de son de chez Roland et si je peux, j’utilise aussi une tête d’ampli SWR SM-500 branchée dans une enceinte coaxial Bag End 15". S’il y a assez de voies disponibles dans le studio, je branche ces différentes entrées :
- Bloc Mélodique en son clair
- Bloc Mélodique avec effets (stereo)
- Bloc Basse en son clair
- Bloc Basse avec effets (stereo, ou mono s’il n’y a pas assez de canaux)
- Synthé Stereo et peut-être un micro pour l’enceinte basse, ou 2.

Après... ça dépend de la configuration, je configure une sortie auxiliaire pour brancher dans mon looper et ensuite une paire de canaux Stéreo pour enregistrer les loops, ou je configure juste une autre paire de sortie stereo pour ler envoyer directement tout les loops.

En général, je n’ai pas besoin d’enregistrer toutes ces pistes d’un coup (11 pistes !!!), cela dépend de la nature de ce que je dois musicalement produire.

Pour les concerts, j’utilise les mêmes effets mais souvent avec un Rane SP13. Je n’aime pas ce préampli autant que le True System’s P2, mais il est plus petit, plus léger et plus facilement transportable en avion. Quelquefois, quand je prends l’avion, je dois changer un peu ma configuration, mais quand je peux, mon rig se compose de :

Melody side -> Rane SP-13 -> Boss SE-70 -> TC Electronic’s G-Force Bass side -> Analog Man BiComp compressor pedal -> SWR SM-500 bass head - Boss SE-70 Synth pickup -> Roland GI-10 -> Boss JV-1010 sound module

Toutes les sorties vont dans une table Mackie 1202 VLZ pro mixer. De là, je peux les faire partir vers des loopers Electrix Repeater ou quelquefois un Echoplex Digital Pro également, et le tout va vers l’ampli de puissance de la tête SWR. Je joue généralement avec au moins deux baffles coaxiaux Bag End de 15 pouces, couplés en stéréo, et si j’ai besoin de plus de puissance, j’ai également une paire de baffles actifs Mackie. Ces 4 baffles constituent une bonne configuration. Les Bag Ends ajoutent de bonnes basses qu’il manque aux Mackie, alors que ces derniers, placés en satellites, apportent une bonne clarté.

J’ai également la chance de posséder actuellement 5 Sticks. _ En ce moment même, je joue principalement un Grand Stick en padouk avec des repères linéaires fluorescents. Emmett a accepté de me fournir un micro customisé pour ce Stick avec un EMG sur le bloc mélodique et le Stickup sur le bloc basse. J’aime le son du Stickup sur les cordes du bloc basse. Pour moi, c’est LE son classique du stick. Le EMG sur le bloc mélodique donne un son plus "plein" sur les cordes non filées qui me plaît. Je continue d’aimer le son du Stickup pour les cordes filées du bloc mélodique..., so it’s a tradeoff, but I’ve grown attached to this as my main instrument for shows now.

Les 4 autres Sticks sont un Grand Stick en Shedua avec un Stickup (qui fut mon principal instrument pendant des années et le plus joué sur mes cds), un Grand Stick en Rosewood pour lequel j’ai deux micros, un ACTV-2 et un PASV-4 (je peux ainsi les intervertir pour avoir deux sons différents en studio), un tout nouveau Alto Stick avec un Stickup auquel je commence à peine à m’habituer et un vieux Stick en polycarbonate argenté que je garde car c’est une pièce de collection. Il appartenait à Tony Levin et apparaît sur plusieurs vidéos avec Peter Gabriel. Je pense que c’est le premier Stick que j’ai entendu sur un disque ! Donc, je le garde !!!

6) Je connais déjà les albums de Agent 22 albums et ton album Solo mais, est-ce qu’on peut t’entendre sur d’autres CD ?

Il y a un nouveau CD qui s’appelle "Waking the Day" de Marotta / Griesgraber. Il a été enregistré au cours des deux dernières années et est le fruit, principalement, d’une collaboration entre Jerry Marotta et moi-même. Son jeu de batterie sur ce disque est différent de tout ce que l’on a pu entendre de lui auparavant. Il y a beaucoup de couches superposées, des sons et des textures rythmiques étonnantes. Je suis très content de ce disque. Nous sommes en train de finaliser la pochette et nous démarchons les labels.

J’ai réellement fait ces quatre albums qui présente mon travail de composition et mon jeu au Stick. Il y a pas mal d’autres sorties auxquelles j’ai contribué. Une d’entre elles s’appelle Acoustic Environment, par un guitariste de San Diego du nom de Mark Hillis. J’ai contribué sur deux titres. La musique est intéressante, quelque part entre le California Guitar Trio et King Crimson, mais tout en acoustique sauf pour moi. Il y a un disque de pop par un artiste de Woodstock, Joey Eppard, que Jerry a produit. Il devrait être sorti dans quelques mois également, et j’ai joué un petit peu dessus. Jerry et moi-même venons également de faire une session pour un guitariste terrible, Igor Abuladze à San Francisco. Igor vient de Géorgie (ex-URSS) et est membre de la League of Crafty Guitarists. _ C’est un compositeur fantastique et cela devrait être un très bel album.

7) Peux-tu nous parler de tes projets ?

Jerry and moi devrions tourner par intermittence assez régulièrement. Cela sera probablement mon activité principale cette année (2005). Notre nouvel album "Waking the Day" devrait sortir officiellement aux USA entre le printemps et l’été. Je vais devoir faire une pause, peut être cet automne, pour enregistrer un nouvel album solo sur O3E/Spotted Peccary (le label sur lequel est sorti "A Whisper in the Thunder"). Et je pense faire en même temps pas mal de concerts en solo.

8) Comment décris-tu le Stick aux personnes qui ne connaissent pas cet instrument ?

Je le décris en disant qu’il a 6 cordes de guitare et 6 de basse, mais qu’il est joué par les deux mains plus comme un piano. S’ils sont toujours intéressés, j’explique qu’il a plusieurs sorties et qu’on peut produire des sons de guitare, de basse et de claviers, mais simultanément !

9) Donnes-tu des cours de Stick ?

Oui, mais seulement quand les gens le demandent expréssement. Quelque fois quand je suis en tournée, je réussis à rencontrer des gens qui veulent que je leur donne un cours. J’ai organisé et enseigné lors de plusieurs séminaires à San Diego et à quelques autres occasions aux USA.

10) As-tu des astuces pour les jeunes joueurs qui commencent le Stick ?

Quand j’enseigne aux débutants, j’ai pour habitude d’essayer de leur donner des outils pour commencer à produire de la musique le plus tôt possible, tels que des diagrammes de gammes et d’accords. Pas mal de choses sont des approches que j’ai pu avoir lors de mes études de la guitare à Berkley et que j’ai adaptées au Stick. J’ai tendance à donner pas mal de notions théoriques sur l’harmonie car c’est tout simplement comme cela que j’envisage les choses. Je pense qu’il est très important que les jeunes joueurs travaillent sur le sens du tempo et sur le son de leur instrument. Un bon tempo est sûrement une des choses qui manque le plus aux joueurs de Stick. Plus nous semblons avancer dans l’indépendance des deux mains, plus il est facile de voir notre sens du tempo devenir "souple". Jouer avec Jerry depuis quelques années maintenant m’a beaucoup aidé. Il a un des meilleurs grooves du circuit ! Quand je pars en impro, je peux encore tombé dans le piège. C’est pourquoi il est important de toujours pratiquer avec un métronome et de s’enregistrer régulièrement. J’apprend beaucoup sur la sonorité de mon jeu quand j’enregistre. Souvent, les idées prennent tellement de place dans ma tête que je les écoute sans écouter ce qu’il sort de mes doigts. S’enregistrer me permet d’écouter ce que je viens de réellement jouer.
Quand je parle de garder une oreille sur le son, je ne veux pas parler des effets et de matériel, mais du son des doigts sur les cordes. Le Stick se découpe en zones. Les cordes non filées sonnent vraiment différemment des cordes filées. Les deux cordes de basse les plus graves sonnent aussi très différemment de la troisième corde de basse. je pense qu’il est bon de garder à l’esprit ces notions, tout comme savoir utiliser le vibrato, savoir bender juste, à moins que tu ne les veuilles "faux", etc, etc... Bref, il faut garder les oreilles grandes ouvertes quand on joue.

11) Comment penses-tu que le Stick va évoluer ?

J’espère que nous continuerons tous à faire de la musique toujours meilleure. Je ne pense pas que cela soit suffisant pour faire simplement de la bonne "Stick music". Je suis certain que nous aimons tous être questionnés sur le Stick quand nous jouons devant du monde et époustoufler, but it’s very easy for what might be a great Stick part to really just sound like "ok" guitar and bass parts. Live that can still work as people will get what
the Stick player is doing and appreciate it. But on a recording you loose the visual "wow" factor, so.. the music has to stand up on it’s own.

J’espère écouter de plus en plus d’expressivité dans le jeu et d’encore meilleures compositions. Je pense à mes débuts sur cet instrument, aux bénéfices que j’ai tirés en écoutant ce qu’avaient déjà fait les autres joueurs avec le Stick (Greg Howard, Don Schiff, Bob Culbertson, etc). Je pense que leur travail et leurs découvertes m’ont grandement aidé à débuter et à faire de la musique avec le Stick. J’espère que cela sera le cas encore pour tout le monde et que la musique deviendra sans cesse meilleure grâce à cela.


G à D : Jerry Marotta, Fantobasse, Tom Griesgraber et Yannick Lepetit





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