Youenn Landreau
par Yannick

Bonjour Youenn ; petite présentation...

Je m’appelle Youenn Landreau ; je suis de Nantes ; j’ai 40 ans et je suis joueur de Stick depuis 1984, donc depuis 18 ans.

...et la musique ? c’est venu comment ?

C’est venu dans ma famille parce que mon père était musicien amateur (guitare, viole de gambe), ma mère est musicienne amatrice (elle joue du clavecin), tout les deux passionnés de musique baroque.
Avec mon frère Fanch Landreau on a toujours écouté de la musique depuis tout petits, des musiques de tous styles, des musiques ethniques de tous les pays du monde (mon père écoutait beaucoup les programmes de France Musique).
_Et donc voilà, on a bouffé de la musique tout petits, et on jouait de la musique en famille pour s’amuser. Après on a appris la musique mais nos parents ne voulaient pas qu’on fasse le conservatoire. Donc, avec mon frère au violon, et moi au piano on a eu des circuits un peu parallèles, à partir de la musique classique, et puis on a mélangé le Jazz, la musique traditionnelle, parce qu’on est aussi de culture bretonne.
_Et donc nous nous sommes retrouvés immergés dans la musique, on a aimait ça profondément dans la famille.

...jusqu’à en faire votre métier !

Oui, ça les parents pensaient qu’on seraient musiciens amateurs comme eux, mais nous avons voulu en faire un métier.

Tu as commencé le Stick assez jeune !

J’avais 22 ans, j’ai commencé en 1984, et au début je l’ai pratiqué comme un bassiste parce qu’en tant que musicien, j’avais commencé ma carrière professionnelle à la basse, c’est un rôle qui m’a toujours collé à la peau d’être bassiste. Ensuite, me mettant au Stick, j’ai récupéré mes velléités de guitariste et puis du coup je me suis senti bien, toujours dans le rôle du bassiste, mais aussi avec tout ce que le Stick peut apporter comme complément...

Et le Stick, tu l’as connu comment ?

J’étais en tournée avec Alan Stivell, on était en Ecosse, et en revenant dans le train, le guitariste du groupe m’a fait écouté King Crimson sur un walkman et voilà ! Et ça, ça a été une grosse claque ! Comme beaucoup de gens, je suis venu au Stick par Tony Levin, par Crimson et par Peter Gabriel.

Tu joue quel genre de musique avec le Stick ?

J’ai toujours eu ma carrière professionnelle qui m’a permis de vivre, et parallèlement ma "carrière idéale" où il y a toujours eu des groupes de rock, de musiques expérimentales (de barjots un peu !). On avait un groupe qui s’appelait "Le Plu Bô Jour", qui est devenu assez variet’ à la fin, et c’est là où j’ai fait mes débuts au Stick. Mais vraiment comme bassiste au début, et je rajoutais quelques plans sur les aigus.
Après on a eu un autre groupe de rock qui s’appelait "Anaka" et c’est l’époque à laquelle je me suis fait embaucher par Yannick Jaulain qui est conteur poitevin. On a fait 200 dates ensemble. C’est lui qui m’a donné la possibilité de me mettre au Stick définitivement. Il m’a pris comme musicien pour ses spectacles en me disant "OK tu prends le Stick !".
Pour moi ça a été le passage. Du coup j’ai aussi utilisé uniquement le Stick dans Anaka, et j’ai laissé la Basse au placard. Et c’est comme ça que je suis devenu joueur de Stick exclusivement depuis 1990 (donc 6 ans après avoir commencé !).

Et de là jusqu’à maintenant ?

Après j’ai été dans une compagnie de théâtre qui s’appelait "Le Théâtre Nuit" et qui faisait une comédie musicale, avec laquelle on a beaucoup tourné y compris en Afrique.
Parallèlement j’avais encore d’autres groupes (j’ai toujours eu un tas de groupe en même temps !), je continuais à faire de temps en temps un peu de basse, mais très rapidement je suis devenu joueur de Stick exclusivement.
Et actuellement j’ai été un peu rattrapé par la musique celtique - même un peu beaucoup - et je me retrouve à jouer avec "Les 4 Jeans", qui est un groupe qui a fait 3 albums dont 2 chez Boucherie Prod et 1 troisième album qui marche très bien en ce moment en Bretagne, puis le quartet d’Alain Pennec qui est un accordéoniste diatonique très connu en région Bretagne (Alain Pennec qui joue aussi dans les 4 Jeans). Avec lui on joue aussi avec "Hirio", un groupe de représentation pour le Festival Interceltique de Lorient.
J’ai aussi différents duos avec mon frère Fanch, avec Alain Pennec, avec le percussionniste Olivier Bertrand (ça s’appelle "YO", "et les Bons Amis" quand il y a des bons amis qui nous accompagnent !), plus d’autres créations avec "Brou Hamon Quimbert", avec Alain Pennec la création "Celtitude" pour le festival de Confolens. Il y a beaucoup d’actualité musicale en Bretagne, si je peux en faire partie... En tant que musique bretonne parce que j’ai eu cette opportunité là, et puis parce que c’est très intéressant de jouer du Stick en musique bretonne, ça marche très très bien !

Effectivement j’ai mon parrain qui habite vers Morlaix, il a des amis musiciens professionnels et quand ils ont vu mon instrument, ils ont été très intéressés. Ils auraient bien mis la main dessus pour l’intégrer à leur formation !

Ce n’est pas étonnant. En Bretagne les musiciens ont bien accroché sur l’idée de l’instrument ; ça leur plait ! Maintenant j’attends vraiment qu’il y ait d’autres personnes que moi qui en jouent. Il y avait Erwan Vollant du groupe "Carré Manchot" qui avait commencé à jouer du Stick ; il a revendu son Stick, il n’avait vraiment pas accroché avec l’instrument, trop bon bassiste.

Il y a Wig-a-Wag aussi !

Ah oui Wig-a-Wag avec Manu, le bassiste du groupe qui s’est mis au Stick récemment.

Finalement t’es pas tout seul !

Oui, ça fait quelques gens mais j’attends vraiment qu’il y ait d’autres musiciens comme moi en Bretagne qui jouent vraiment du Stick en musique Trad. Il y a Pierre Sergent aussi qui est de Rennes, excellent musicien, non-professionnel, et il joue en Jazz surtout.

Tes influences te viennent d’où ?

Relativement de partout. La musique celtique bien sûr, mais à l’origine je viens de la musique classique, et de là on arrive très facilement au Jazz (j’en ai pas mal pratiqué), j’ai fait un peu de variété (mais pas beaucoup !) mais sinon j’accompagne souvent des chanteurs et je me retrouve quand même des fois avec le Stick et une partition pour suivre une ligne de Basse, purement et simplement dans le rôle du bassiste.
Et les influences, pour moi toutes les musiques sont belles. Je suis assez branché sur les musiques de l’Europe de l’Est, j’aime bien leurs mesures asymétriques ; et puis les sonorités celtes, de toutes façons je pense qu’elles sont contenues dans mon style de jeu, même quand je joue un morceau Jazz. Par exemple quand au Stick j’adapte "Country", un morceau de Keith Jarett, il y a quelque chose de "celte". J’adapte aussi du Pat Metheny, quelques standards de Jazz aussi, et j’écris des compos qui sont un mélange de tout ça, entre World Music et Jazz.

Utilises-tu des effets sur le Stick, ou bien tu es plutôt son clair ?

Quand on est avec Costik, notre groupe d’"électro-ciné-rock", j’ai des sons très électriques où je me permets d’octaver et de saturer les cordes aiguës ; ça donne des sons suraigus super intéressants. Et aussi des effets de tous genres, sur les basses ou sur les aigus.
Mais sinon j’aime bien avoir un son relativement feutré, on peut jouer des heures très doucement avec un son clair. En concert solo j’aurais plutôt tendance à utiliser un seul son, un son clair et point barre.
Mais j’adore utiliser des sons saturés et délirer avec des effets monstrueux, je trouve ça génial. Il faudrait que je passe plus de temps à faire de la recherche de sons. C’est très intéressant.

Et sur quels disques peut-on t’entendre ?

Dans ma discographie, j’ai fait un disque avec Yannick Jaulain, et avec le Théâtre Nuit, mais ce sont des disques peu distribués.
Sinon il y a :
- 3 albums avec Les 4 Jeans,
- le disque de Alain Pennec ("Turbulences") plus un nouvel album qui se prépare,
- 1 album avec Costik ("3=2") et un autre disque qui est presque prêt ("Ze Chofoman Opéra"),
- j’envisage dans quelques temps de faire un disque solo,
- j’ai des projets de disques en duo avec mon frère Fanch,
Il y en a encore d’autres auxquels je ne pense pas, il y a quelques disques qui sont sortis où j’ai posé ma petite patte de Stick.

Comment décris-tu le Stick aux gens quand tu leur expliques ce que c’est que ton instrument ?

Je dis à peu près textuellement : : "c’est un dérivé de Guitare électrique ; à partir du moment où la guitare électrique a existé il y a des gens qui ont commencé à faire du Tapping dessus. Emmett Chapman, dans les années 70, a inventé un instrument spécifique à cette technique, séparé les cordes graves et les cordes aiguës. Ça a donné le Stick dans sa forme actuelle. Mais le tapping existe depuis l’électrification de la guitare".
Il faut différencier l’instrument et la technique. Cette dernière a de beaux jours devant elle.
D’autres gens inventeront peut-être d’autres instruments d’aussi bonne qualité que celui d’Emmett Chapman. Mais moi je suis un fou du Stick, je trouve que c’est un instrument excessivement bien conçu en tant que lutherie, un peu austère au niveau du look, un peu un bâton (comme son nom l’indique !), mais Chapman a choisi la simplicité et un design précis, c’est peut-être bien comme ça. _ Personnellement je n’ai pas du tout envie de me séparer de cet instrument-là pour un autre instrument de Tapping.

Est-ce qu’il t’arrives de donner des cours ? Est-ce que tu trouves des élèves d’abord ?

Je ne cherche pas du tout d’élèves, je n’ai pas le désir de donner des cours, mais j’adore rencontrer des joueurs de Stick, et me retrouver une journée par-ci, par-là avec quelqu’un, pour bosser toute la journée avec lui et à échanger. Je parlerai plutôt d’échanges que de cours.
Bien sûr des fois je tombe sur des gens qui ont moins de technique que moi mais je n’ai pas non plus une technique époustouflante. Il y a des gens, ici dans ce festival, qui sont bien meilleurs techniciens que moi. Mais j’ai ma particularité aussi, une certaine recherche musicale à moi qui fait que j’ai certainement mon style.
Et donc ce qui m’intéresse, c’est l’échange. Je n’ai pas envie de devenir prof. De toutes façons à Nantes, pour trouver des élèves, tu va les chercher !

As-tu des conseils pour les jeunes qui débutent ?

Oui, dans ces cas-là j’ai un conseil que je répète, un conseil de Teed Rockwell que j’avais rencontré au stage de Daniel Schell en Belgique : tu apprends une phrase simple que tu peux jouer facilement et tu la bosses bien en tapping ; et une fois que tu la joues bien, tu montes ton bouton de volume de 2 crans et tu recommences à jouer la même phrase, pas plus fort acoustiquement mais, ayant augmenté le volume, tu es obligé de taper moins fort sur le manche de l’instrument.
Une fois que tu as bien ré-appris ta phrase et que ça donne bien le même volume sonore qu’avant, tu remontes le volume de 2 crans encore et tu recommences à jouer pas plus fort.
Tout ça pour dire que le secret du tapping c’est de jouer hyper doucement sur le manche, de ne surtout pas forcer, ne pas courber la corde entre 2 frettes, et il faut jouer juste et donc pas fort. Et c’est comme ça qu’on fait de merveilleuses choses en tapping.

A part cet exercices, est-ce que tu en aurais d’autres pour se chauffer, pour travailler la technique ?

Non, parce qu’en fait si j’en avais d’autres je ferais bien de me les appliquer à moi-même ! C’est à dire de travailler mon instrument.
Alors travaillez votre "clou" !! ("instrument" dans le langage Landreau !!, NDR) (rires !)
Et je me le donne à moi ce conseil car il faudrait que je travaille plus. Parce que j’aurai pu développer plus de technique que ce que j’ai actuellement
En même temps ce qui m’intéresse c’est de faire une belle mélodie avec peu de notes, et que ce soit beau ; c’est bien quand c’est beau (rires !).

Ton avis sur ce festival auquel tu contribues un petit peu quand même ?

J’y contribue "un peu" et c’est à cause de moi que ça a commencé cette histoire là. Ce sont les gens de Allaire qui m’ont demandé si on pouvait penser à faire un festival de Stick ici (après on a dit "de tapping"). Enfin, ça s’est pas fait tout de suite. Moi j’ai pensé que c’était une idée de fou et maintenant je pense que c’était une idée géniale.
Et donc je suis super content. C’est la deuxième année que ça se fait, on a une qualité de rencontres et ta présence (merci !, NDR), la présence des autres joueurs de Stick c’est vraiment un bonheur total. Il y a beaucoup d’amitié qui se dégage de ça, et il y a aussi une qualité musicale qui est terrible. Je trouve que c’est vraiment bien !
Ce à quoi je tenais beaucoup dans ce festival, c’est qu’on montre des choses de qualité. Je voulais prendre la continuité de Jo Ruffier par rapport au 3 éditions qu’il y avait eu à son initiative à La Pèche, à Montreuil (93), au milieu des années 90. C’était très intéressant mais c’était un peu le bazar. Mais Jo il est un mec super ; je l’adore ! c’est mon frère ! Mais il est un peu bordelique ce garçon (rires !) ; moi aussi si tu veux enfin mais bon, ici on a mis un peu plus de moyens en service pour l’accueil des gens, pour leur confort, et aussi qu’ils se sentent à l’aise, qu’on soit une famille, qu’on déconne bien ensemble.
En plus le pays de Redon c’est un pays où les gens sont de bons vivants, on mange excellemment et on boit modérément (hum !) ; d’ailleurs il y a l’apéro, il va falloir qu’on arrête l’interview.
Et puis merci beaucoup à tout les gens d’Allaire et tout les bénévoles parce que c’est un boulot terrible. Bravo et merci !

Dernier petit truc : que penses-tu de l’avenir de la Tape-Guitare / du Stick ? Comment ça va évoluer ?

L’avenir de la Tape-Guitare, je pense que ça peut évoluer à condition qu’il y ait des grands noms qui sortent. Des Jim Lampi, d’accord se sont des grands noms dans le milieu du tapping, mais il faut qu’ils soient encore plus connus du grand public, et par la musique elle-même, pas grâce à la technique.
Peut-être qu’un jour il y aura quelqu’un qui sera un vrai chanteur qui utilisera le Stick comme un instrument d’accompagnement comme Tracy Chapman ou n’importe qui d’autre.
Il faudrait que l’instrument se standardise. Je pense que le Tapping peut prendre sa place comme le Saxophone a pris sa place aussi. La Clarinette existait déjà avant, le Saxophone ce n’est ni plus ni moins qu’un dérivé de clarinette, mais il n’empêche que c’est devenu un instrument à part entière.
Et le Tapping en général peut vraiment être une technique d’avenir. Quand on voit ce que fait Sylvestre (Planchais, NDR) à la guitare en mélangeant les 2 techniques, il y a aussi de l’avenir dans cet esprit-là, et y-compris pour des bassistes.
Je rêve de voir un gamin de 14 ans (voire moins) commencer le Stick et tous nous mettre une claque monstrueuse en étant vraiment un gros gazier (encore un terme du langage Landreau !, NDR). Ce serait super ça.
Il y a déjà des grosses bêtes de Stick car c’est un instrument qui passionne les gens qui ont une recherche en musique et en technique, qui fait qu’on tombe sur des gens qui, par le challenge de l’instrument, se sont mis à développer des techniques époustouflantes. C’est vrai que c’est intéressant comme discipline. Mais il reste à faire tout simplement de la belle musique.

Et bien merci Youenn, et à très bientôt !

Merci et bonjour à tout les jours de tapping qui vont lire ces interviews.





Retrouvez Youenn sur le site du groupe Costik :
costik.free.fr

Ou par E-Mail :
youenn.landreau@fnac.com