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Bruno Ricard


L’air de rien, le Stick, c’est une longue histoire… que, comme promis, je m’en vais vous conter.


Mode [je m’emmerde, donc je délire] ON


Il était une fois…


Bon, bref… Prenons depuis le début : au début des années 90, je décide de me mettre à la musique pour singer les musiciens que j’écoutais alors : Venom, Sabbat (UK), Sodom (amis de la poésie, bonsoir), King Diamond, Black Sabbath. Du lourd en somme. Rapidement se produit un phénomène que je ne m’explique toujours pas encore aujourd’hui : alors que j’écoute de plus en plus de musique de malades mentaux (passant du thrash au death US… Et oui, on est en plein dans l’époque bénie du death floridien, Tampa, Scott Burns, Obituary, Morbid Angel…), je prends des cours de basse avec un contrebassiste de jazz, qui m’éveille aux joies du jazz et du blues. Pour comprendre ce qu’il me raconte, je me mets donc parallèlement à écouter du jazz et assister aux festivals d’été qui égrènent la côte d’Azur. Et pour me démarquer du commun des bassistes, je revends tous mes instruments pour m’acheter un instrument que je regrette encore (j’ai fait l’erreur impardonnable de la vendre il y a quelques années), une somptueuse Godin LR Baggs fretless 4 cordes.


Qui dit " basse " disait, à cette époque, " Bass Magazine ". En effet, tous les deux mois, je courais fébrilement acquérir cette bouffée d’air frais dans la presse musicale, alors sclérosée par les magazines destinés aux guitaristes, et, faisant fi des calembours douteux dispensés par certains rédacteurs (un en particulier, qui se reconnaîtra…), je me plongeais dans ces quelques pages à la recherche du bassiste, du matériel, du disque ultimes.


Au détour de ces pages, je fis une rencontre, comment dire… choquante. Là, sur deux pages, un type avec un survèt’ Adidas orange (! ! !), à la mode 10 ans avant, mine de rien : un précurseur, cela va sans dire. Que tient-il dans ses mains ? Un instrument d’une belle taille assurément, assez imposant même et ma foi, relativement impressionnant. Même si j’en avais déjà vu d’autres, je restais pantois !


Accompagnant cette photo, quelques lignes, et 6 malheureuses minuscules vignettes, montrant des doigtés d’accords, qui tentent d’expliquer les tenants et aboutissants de cet outil… retournées, des semaines durant, dans tous les sens, lues à l’envers (séquelle de l’écoute forcenée des disques sus-cités qui dévoilaient des messages sataniques subliminaux quand ils étaient passés à l’envers. Enfin, c’est ce qu’il se disait…) pour en dévoiler les secrets les plus intimes, pour en retirer la substantifique moelle !


Toujours est-il que quelques lignes restent quelques lignes et ne peuvent dévoiler plus que ce qu’elles distillent ! Mais… que vois-je ? ? ? En fin d’article, après une discographie sélective d’enregistrements comprenant du Stick, dont la rareté dans les bacs des disquaires le dispute à… à… à rien du tout, ces disques étaient pour la plupart introuvables ici, bordel de merde ! ! ! Oui, donc, je reprends… Mais… Mais… que vois-je ? ? ? Ne serait-ce pas les coordonnées d’une sombre organisation ? A – F – S – T – G… Curieux.


Malgré mon innocence et ma naïveté (et oui, bande de petits merdeux, j’avais 20 ans à l’époque, et on avait pas les SMS, les portables, les Playstations et les sites porno sur le net. Non, nous, nous avions Newlook et pour les plus hardis, Union !), je prends mon courage à deux mains et mon téléphone pour appeler le gars qui arborait fièrement son instrument démentiel (et qui, je dois l’avouer, éveillait en moi, un soupçon grandissant de jalousie). Etonnamment agréable, mon interlocuteur me révélât quelques noms de joueurs patentés, situés dans le Grand Sud. Enfin, là, ma fibre occitane prend le contrôle de ma personne : en réalité, il ne me donne le nom que d’une seule personne. Je note fébrilement le nom, l’adresse et le numéro de téléphone avant de raccrocher, tout ému de pouvoir peut-être un jour approcher un appareil à ce point fantasmagorique.


Mais la nature reprend sournoisement ses droits : mon petit papier griffonné se perd dans les tréfonds de mon bordel estudiantin (qui perdure 10 ans après, c’est dire s’il est abyssal), et de ma conversation ne reste que le souvenir d’un nom de propriétaire. Enfin, à vrai dire, le nom correct a vite été oublié, ne subsiste que deux souvenirs : d’une part, cette personne avait un nom " connu ", sans pouvoir toutefois me le rappeler, et, d’autre part, elle habitait un villagedu Haut-Var, Montauroux. Arf, les choses se compliquaient.


Les années passent. Je reste bassiste, mais je m’ennuie profondément avec cet instrument : ayant revendu ma Godin, j’ai racheté un instrument plus " commun ", plus passe-partout pour me permettre de tourner dans des bars côtiers et amuser les touristes : l’ennui total. A tel point que je songe tout lâcher.


Aussi étrange que cela puisse paraître, c’est l’administration française qui va me redonner espoir (ce sera la seule et unique fois de mon existence, j’en ai peur…). Ayant réussi un concours pour intégrer une administration déconcentrée, je travaille alors dans une petite ville, située non loin de Montauroux. Tiens, tiens. A l’époque, je m’occupe, notamment, de la réglementation des débits de boissons.


Un beau jour, au printemps 1999, je reçois un fax d’un restaurateur exerçant son métier à Montauroux justement, m’informant, alors qu’il n’était pas du tout obligé de le faire, de la tenue d’une soirée " divertissante " (ce sont ses propres mots…n’oublions pas que le Sud est un peu aux Français de plus de 70 ans ce que le cimetière est aux éléphants). Pire, le patron commet l’erreur de nommer les musiciens qui animeront la soirée. Et là, mon sang ne fait qu’un tour : P. FERRARI. L’association des deux mots sacrés prend alors tout son sens et m’ont alors permis de poser l’équation à deux inconnues suivante : FERRARI + Montauroux = Stick Chapman


Avec tout mon aplomb (hé, quelques années ont passé depuis les années " Bass Magazine " et l’innocence a laissé place à un je-ne-sais-quoi d’autrement plus décati…), je m’empare du téléphone pour appeler manu militari ledit tenancier qui rapidement, me confirme que le musicien prévu pour sa soirée " divertissante " est un gars du cru, qui habite le village et qui est connu pour jouer d’un bon nombre d’instruments étranges. Je lui soutire sans difficulté son numéro de téléphone personnel, et pour la première fois de ma vie, je vis une expérience inédite : le premier mouillage de slip dans un contexte non sexuel. Terrible.


Dans la minute qui suit, j’appelle mon homme. Il n’est pas farouche, il se laisse même aisément approcher. Pour le coup, je profite de sa naïveté pour tenter une approche autrement plus frontale. Je lui demande si on peut se rencontrer. Las, l’homme lâche prise et me concède une entrevue dans un bar la semaine suivante. La bête ferrée a ceci d’étonnant que, alors même que vous allez lui porter l’estocade finale, vous, qui le condamnez, lui inspirez une sorte de sympathie que vous discernez sans effort dans son regard. En effet, autour d’un verre, quoique probablement et légitimement méfiant à l’égard de son invité, le malheureux avait tout du bonhomme profondément sympathique. Quand je lui demandais si je pouvais approcher l’objet tant convoité, ni une, ni deux, il s’expulsa du bar pour me mener dans des ruelles sombres, dont une des portes dérobées donnait dans son antre où reposaient moult instruments incroyables (pour la petite histoire, notre homme, musicien professionnel, s’était spécialisé dans les spectacles médiévaux destinés aux enfants). Il extirpa alors de sa caverne alibabaesque un étui en bois (oui, oui, les vieux étuis de Stick Enterprise, pas les machins horribles en plastoc qu’on nous fait bouffer maintenant), qui, ouvert, offrait à mes yeux humides, la vue de mon premier Stick Chapman. Car, oui, notre homme ne le vendait pas. Il ne le jouait pas (il l’avait ramené d’un voyage en Californie). Pourtant, cet instrument était déjà à moi, pour sûr.


C’est alors que je me découvris un don de commerçant chypriote. Commença alors une démarche de lavage de cerveau phagocyteur de mon interlocuteur, dans le but de lui faire accepter l’inacceptable : me vendre son Stick. A vrai dire, l’homme a lâché prise plus facilement que je ne l’escomptais, ce qui me valût un second souillage en règle du caleçon, qui commence à être bien chargé. Au bout de deux semaines, le temps pour moi de partir à la recherche de fonds de financement, l’instrument était chez moi.


[Mode HS on] Les coïncidences de la petite histoire ne s’arrêtent pas là : quelques mois plus tard, sur le plan professionnel, j’ai été amené à changer de service et à remplacer une personne qui s’est avérée être la propre sœur de notre homme [Mode HS off]


A vrai dire, ce fut tout. Je faisais partie de la " grande famille ".


Super.


Mais la réalité fut que, pendant près d’un an et demi, je gardais cet instrument sagement dans son étui, ne sachant même pas comment le manipuler, ni comment il pût sonner entre des mains expertes. Par contre, je continuais de jouer de la basse, sans passion.


C’était sans compter sur l’arrivée d’Internet qui me fit découvrir qu’un autre membre de la famille sévissait de par chez moi. Enfin, un autre nom, je suis gentil… Renseignement pris, notre homme s’avérait être une des figures emblématiques du Stick Chapman, un des tous premiers joueurs européens : Ron Baggerman. Contact pris, il me donnait rendez-vous dans un bar – encore - à Cannes. Et là, première grosse claque musicale de ma vie, j’ai sous mes yeux un croisement jamais observée chez les mammifères : une mutation entre une pieuvre tricéphale et un homme.


Ron Baggerman, à l’époque, sévissait tous les soirs de la haute saison dans un bar qui, bien que situé à Cannes, tenait plus du P.M.U. que d’un bar branchouille tel qu’on les fait ici pour les cagoles aussi finement carrossées que les véhicules de leurs compagnons d’un soir : le Crystal. Ce bar était en fait une minuscule pièce, dont deux côtés ouverts donnaient sur une petite terrasse et une rue relativement passante et passablement bruyante. Et dans ce petit bar, notre homme s’escrimait à jouer, en évitant les poivrots accoudés au bar qui finissaient par s’effondrer lamentablement dès qu’ils s’aventuraient à lâcher le comptoir. Qui n’a jamais vu Ron Baggerman jouer ne peut pas concevoir ce que j’avance, mais oui, Messieurs, Mesdames, ce que je dis, je l’ai vu des mes propres yeux : Ron Baggerman n’est pas un homme mais un mutant. Ce n’est pas tant le répertoire qu’il jouait alors qui était étonnant (après tout, ce n’était que, pour une grande partie, des reprises de titres maintes fois entendus, des trucs pour les touristes quoi), mais la façon dont il les jouait. Généralement, il commençait les morceaux en jouant une partie de basse sur son Stick avec sa main gauche, tout en improvisant un chorus avec sa main droite… sur un synthétiseur… Ensuite, venait le chant pour les deux couplets et le refrain réglementaires. Puis, au choix, il s’emparait d’un harmonica pour improviser un chorus ravageur tout en gardant une pulsation impeccable à la main gauche, ou alors il acceptait de poser les deux mains sur son Stick pour entamer un chorus avec sa main droite, avec un son à faire pâlir tout guitariste qui se respecte, Cry Baby et Tube Screamer enclenchées, délicatement rehaussées d’une fine couche de sons issus d’un GR30 traitant le son converti par son capteur hexaphonique.


Bref, autant dire que devant un tel phénomène, et avec mon Stick sagement rangé sous le lit depuis un an, je dus prendre une résolution que je ne regrette pas, mais alors pas du tout. Je décidais alors dès mon retour de mettre en vente l’ensemble de mes instruments de musique et de me consacrer entièrement à la découverte du Stick (je dis découverte parce que je suis intimement persuadé qu’il est réellement très difficile d’en faire le tour définitivement). Et par ailleurs, je me permets une légère digression en exhortant tout joueur qui se respecte à assister à un maximum de séminaires, et en particulier à ceux organisés par Ron Baggerman et Frank Leurs (en deux mots : ils déchirent).


Voilà mes débuts, qui continuent à ce jour.


Puisque nous parlons de matériel, et sous la pression de notre vénérable président version 2005, Thierry Bédoucha (vous vous souvenez le gars des deux pages dans Bass Magazine avec le survet’ Adidas orange ?)…


Le matériel est toujours une question cruciale pour les Stickistes car le fait d’avoir un instrument stéréo rend les dépenses… stéréos. J’ai récemment changé tout mon matériel pour passer sur de simples pédales. Voici ce que j’utilise (une photo est dispo sur mon profil sur le site www.audiofanzine.com) :



  • un DD20 Boss Giga Delay (un truc absolument terrible que je recommande très très chaudement)

  • un RT-20 Boss (une simulation de Leslie, parfait pour avoir des sons qui se rapprocheraient d’un jazz organ) 

  • une Trinity Jacques (une pédale étonnante d’un ptit gars bien de chez nous, www.jacquesstompboxes.com), qui fait à la fois office de wah/auto wah et filtre (!!!)

  • un chorus de la même marque, la Meistersinger, qui me sert pour le bloc basse

  • Et enfin, la pièce maîtresse, le préampli routeur de chez BassLab, le StepABout

Mode [je m’emmerde, donc je délire] OFF


Voilà, voilà. Merci aux deux fistons du 1er rang qui ont réussi à me lire jusqu’au bout ! ! !