Reportage à froid du festival d’Allaire 2004
Un week end à la campagne...
par Bruno Ricard

Prêts pour un reportage sur le festival d’Allaire 2004 ? En route !!!

Mercredi

Rendez-vous station de métro Filles du calvaire pour le départ en Bretagne... Antoine Ratel fait partie du convoi, mené de main de maître par un Yannick Lepetit qui fait don de sa personne, puisqu’il se charge de récupérer Greg Howard à l’aéroport tôt dans la matinée avant de venir sur la capitale.

Une fois les présentations faites, on s’extirpe de la cohue parisienne, non sans avoir fait un détour dans un petit troquet, histoire d’avaler un café et deux croissants. Yannick choisit un itinéraire alambiqué, afin que Greg Howard voit au moins une fois dans sa vie les quelques monuments les plus connus de la capitale : le Louvre, l’Arc de triomphe, la Tour Eiffel...

Le convoi se met ensuite en branle pour la route proprement dite, qui passe finalement comme une lettre à la poste, chacun de nous discutant musique tour à tour avec Greg. Petite anecdote marrante : au cours du voyage, on sent que Greg s’inquiète de plus en plus, à mesure que l’on s’enfonce dans la campagne normande, de savoir la teneur de ce festival. On lui explique que ce festival a lieu dans un tout petit village au milieu de la campagne, qu’il n’y a pas de grande agglomération à proximité... Une certaine inquiétude se lit sur son visage...

A notre arrivée à Allaire, nous allons directement à la Maison du Temps Libre pour y rejoindre le grand manitou, Alain Launay. Les techniciens s’activent doucement pour commencer à disposer le matériel des musiciens, à monter la scène...

Rapidement, nous repartons vers Redon, où il est prévu de faire un "happening" dans le centre culturel Leclerc, qui est un des sponsors de l’événement. Nous y retrouvons André Pélat et Bob Culbertson qui, partis d’Allemagne, nous font l’honneur de faire un détour par la Bretagne avant de redescendre dans la garrigue montpelliéraine. Nous y retrouvons également Youenn Landreau. Tous interprètent quelques morceaux, y compris Greg Howard qui, malgré la fatigue, met quand même tout le monde d’accord... On en profite pour distribuer quelques tracts de promotion pour les concerts du week-end.

Après cette petite mise en jambe assez sympathique, nous repartons sur Allaire pour une mise en jambe autrement plus...velue.


Les année précédentes, Alain Launay faisait le pied de grue sur la place du village pour accueillir les différents protagonistes du festival qui parfois arrivaient sur les lieux tard dans la nuit. Cette année, innovation : un petit encas accompagné de petites bières bien fraîches est prévu au Cutty, un des bars du village... On y retrouve tous les acteurs du week-end : les membres du CLAC, les stagiaires qui arrivent un à un, parfois de loin, les artistes... Le bar est rapidement bondé, autant dans la salle principale que la salle annexe qui nous est réservée...A ce moment crucial, Youenn fait péter les Jazz Chorus Roland, qu’il installe dans cette dernière, et commence une série de bœufs mémorables. Youenn ouvre le bal, on y verra Pascal Thébaut, Antoine Ratel et votre serviteur jouer, François Bécot nous fera un numéro "sensationnel" aussi...


Finalement, l’ambiance monte d’un cran, et les têtes d ’affiche du Stick présentes ici finissent par tomber la veste et se brancher. Ainsi, on assistera à une tournerie funkisante tip-top entre Bob Culbertson et Youenn Landreau, qui n’a pas malheureusement pas été gravée sur disque dur en raison d’une défaillance technique du camescope (non, non, j’ai bien dit défaillance technique et non humaine : à ce moment-là, je n’avais pas encore trop bu...).


André Pélat se jettera aussi dans la fosse aux lions, et Greg Howard finira aussi par nous faire une prestation hallucinante... A ce moment là, on se dit qu’il se passe vraiment quelque chose de particulier ici, les artistes présents ce soir-là et qui ne connaissaient pas jusqu’alors ni le lieu, ni les figures locales qui l’animent, se détendent et comprennent l’essence de ce festival particulier, basé avant tout sur un sens de l’accueil et une convivialité certaine (et qui, pour moi qui veint d’une autre région, est réellement palpable). A 2h00, extinction des feux.

Jeudi


Les choses sérieuses commencent : tout le monde se retrouve dans la salle de classe pour débuter le stage proprement dit avec Greg Howard. Les stagiaires sont nombreux, puisque ont répondu à l’appel. D’autres qui n’ont pas pu venir pour toute la durée du festival assisteront en tant que spectateurs à certains moments du vendredi.


Les cours se déroulent plutôt bien, même si les Gaulois que nous sommes ont parfois un peu de mal à s’auto-discipliner... Arf... N’est pas allemand qui veut...


Durant ces deux journées, Greg reprend en substance les principaux points évoqués dans sa méthode écrite il y a quelques années, en mettant l’accent sur certains points plus essentiels à ses yeux : la tenue de l’instrument, la position des mains, le rôle de la main gauche sur le plan du tempo, le jeu à trois doigts main droite, les nuances de jeu... Personnellement, ce stage m’a été particulièrement bénéfique, puisque j’avais déjà eu affaire avec Greg Howard lors de mes débuts au Stick, lors du séminaire de Milan en 1999. 5 ans après, je me souvenais encore de certains de ses conseils. De nouveaux m’ont été prodigués cette fois encore. En tout cas, il m’a semblé intéressant d’avoir un tel "suivi" par un prof régulier. De plus, Greg a fait preuve d’une disponibilité sans faille dès lors qu’un élève lui demandait des conseils plus spécifiques, ce dont je me suis pas privé !!!


Ces journées de cours ont bien sûr été entrecoupées de pauses café, salutaires, et de repas non moins salvateurs préparés par le chef Bruno et son équipe, épaulés par le non moins célèbre Alain Pennec !!! Résultat des courses : il est plus que difficile de regagner les salles de cours, autant en raison de la prodigalité des repas que des boissons qui les accompagnent...

Le soir, le CLAC a offert une surprise à tous ses bénévoles, aux stagiaires : un concert privé du Alain Pennec Quartet, qui permet par la même occasion d’effectuer la promotion de son tout nouvel opus.


Le concert est, "comme prévu", très bon : le groupe joue à domicile et l’ambiance est plus que détendue. S’ensuit un apéritif gargantuesque durant lequel certains joueurs envahissent la petite scène pour jouer quelques titres dont Guy Mauffait, qui revient au Stick après un abandon temporaire, montrant qu’il fait partie des tous meilleurs joueurs français, Pascal Gutman ou encore Bob Culbertson, qui, sous la pression de l’assistance, nous fait une démonstration de Stick alto de toute premier ordre.


D’ailleurs, ce festival a été le théâtre de démonstration des dernières avancées sur le plan du matériel : ainsi, Bob Culbertson nous a fait une démonstration très convaincante du Stick alto, un Stick 10 cordes accordé un octave plus aigu, avec un diapason plus court. Il en résulte une prise en main plus facile, l’écart entre les frettes étant plus réduit. Le son également est très flatteur, beaucoup plus "cohérent" et plus "plein" qu’un Stick normal. Là encore, on a pu observer le travail de lutherie d’Emmett Chapman, vraiment irréprochable. D’après Greg, si mes souvenirs sont bons, ce nouveau modèle sera présenté au NAMM américain en janvier prochain.

Autre nouveauté, le Stick 10 cordes de Greg... Son instrument est équipé, en plus des dernières options disponibles chez Stick Enterprise (Frets rails etc...) des marqueurs linéaires en lieu et place des incrustations habituelles sur le manche. Si j’étais sceptique de prime abord, il faut bien reconnaître que c’est super pratique et finalement pas si inesthétique que ça. Par ailleurs, son Stick est équipé d’un micro hybride, avec un EMG actif pour le bloc mélodique et un micro passif (type Stickup) sur le bloc basse... Le meilleur des deux mondes en quelque sorte : la puissance dans les graves et le côté précis et cristallin dans les aigus.

Enfin, dernière future nouveauté, un prototype de préampli utilisé par Greg. Il s’agit d’un pédalier enchâssé dans un boîtier en métal, équipé de 4 switchs, qui permettent de panner le signal, et deux égaliseurs paramétriques traitent les deux blocs du Stick. Le son est proche de la perfection, ajoutant une chaleur supplémentaire au son des micros. D’ores et déjà un achat prévu pour moi...

Vendredi

Reprise des cours, la fatigue commence déjà à se faire sentir, mais tout le monde semble heureux d’être là et d’échanger. L’après-midi est consacré à des master-classes d’une heure environ, d’abord avec André Pélat, qui nous fait montre notamment de sa technique d’archet et nous gratifie de son ultra-technicité sur des morceaux de classiques a priori injouables. Sauf que, lui, et ben... il les joue...
Ensuite, Bob Culbertson prend place pour nous faire une démonstration de ses techniques de jeu.

Sur le coup de 18h00, une rencontre est organisé entre le groupe de Virna Splendore, Thierry Carpentier qui se font interviewer par le tandem Youenn Landreau/Anthony Hequet devant un parterre de curieux : futurs spectateurs du festival, élèves de Greg Howard, musiciens locaux... Chacun revient sur son parcours respectif, ses projets à venir...
Après le désormais mythique repas, la première soirée de concerts prend place.


La première partie est assurée par Virna Splendore et son quartet, qui comprend un joueur de Stick "normal", un clarinettiste, et un joueur de SB8, dont le rôle se borne à jouer et déclencher des patterns de batterie. Le moment fort du concert, de l’avis général, est la reprise d’un titre de Björk qui figure sur la BO du film de Lars Von Trier.

Pour ceux qui n’ont pas rejoint le bar, le changement de plateau est assuré par Ron Baggerman qui accompagne Frank Leurs au chant, qui assure grave sur un "Hallellujah" de Léonard Cohen.

Le second show de la soirée est assuré par Michael Manring. Et là... première bonne grosse claque du festival (chaque année, on en a au moins une, et là, c’était lui...).
Premier morceau : le gars déboule seul sur scène, excité comme une puce, et nous fait un étalage de technique et d’énergie comme rarement il m’a été donné de voir... Très impressionnant. Mais ce n’est qu’après, à mon sens, qu’il fait réellement parler la poudre.


On découvre tout au long du concert un musicien doué d’une sensibilité extraordinaire, au sens premier du terme, réellement hors du commun. Bien sûr, Michael Manring a depuis longtemps je pense, dépassé le conflit antédiluvien et récurrent chez les bassistes (ceux qui fréquentent les forums de discussion de bassistes savent de quoi je veux parler : une guerre oppose ceux qui voient la basse comme un instrument d’accompagnement à ceux qui le voient AUSSI comme un instrument soliste... Conflit stérile s’il en est...). Il utilise toutes les techniques possibles sur sa basse qui recèle de secrets dont il nous révélera l’existence lors de l’interview le lendemain soir. Ceci dit, quand il faut faire une tourne qui groove, le Michael ne plaisante pas non plus.

A mon humble avis, le moment fort du concert (mais il y en a eu tellement...) a été un morceau dont le titre m’échappe malheureusement, mais joué tout en harmonique avec d’incessants changements d’accordage tout au long de celui-ci (à vue de nez, je parierai sur 200 changements d’accord...).

Rappelé par la salle, il revient pour un bœuf final avec le quartet de Virna Splendore pour une superbe reprise du Birdland de Weather Report. En 4 mots : MICHAEL MANRING EST GRAND !!!

Samedi

Grande réunion à 10h00 à la Maison du Temps Libre pour l’assemblée générale de l’AFSTG. Un bilan de l’année écoulée est réalisé en passant en revue tous les problèmes que le bureau a pu rencontrer, puis une longue discussion a permis de déterminer ce que les joueurs attendaient de l’association... Conclusion : on a du pain sur la planche... Plus de précisions seront disponibles sur le compte-rendu de l’assemblée générale qui devrait être diffusé sous peu (Youenn...???).

L’après-midi étant une demi-journée « off », chacun se consacre à des loisirs différents. Cependant, le plupart des stagiaires restent dans la salle principale de la maison du temps libre pour jouer seul ou en groupe. Ainsi, un groupe se forme autour de Pascal Gutman, avec Guy Mauffait, André Pélat, Ron Baggerman, Pascal Thébault et Youenn Landreau, qui décident d’écrire un arrangement du Libertango d’Astor Piazolla, afin de le présenter lors du changement de plateau du show du soir.

A 18h00, tout le monde se presse pour l’interview. Au programme, Greg Howard, en tant qu’ambassadeur privilégié d’Emmett Chapman, nous parle des dernières innovations de Stick Enterprises. Mais le gros morceau est assuré par Michael Manring, qui, après le fabuleux concert de la veille, nous fait part de son parcours de bassiste, de sa « philosophie » et nous explique le pourquoi du comment de ses instruments. On y apprend ainsi que seuls quelques modèles de ses basses customisées sont en circulation dans le monde, et souvent, il arrive qu’après avoir été vendue à un acheteur, elle est rapidement revendue sur e-bay.com, tellement ce sont des instruments particuliers (qui a dit injouables... ???). En effet, sa basse principale est équipée de piezos, non pas seulement sur le corps, mais également dans le manche, sous la touche et dans la tête de l’instrument, et de plus, chaque mécanique est munie d’un hipshot, en plus des trois installés sur le chevalet... !!! Etonnant et passionnant ! Et en plus d’être un musicien hors pair, il s’avère être un personnage extrêmement timide et plein d’humour, ce qui ne gâche rien.

Durant le repas final au cours duquel le chef Bruno et son équipe nous régalent de non pas un mais deux cochons grillés, on assiste à un étrange rituel consistant en un chant entonné par un Alain Launay énigmatique qui lève, puis descend, puis lève, puis redescend, puis relève à nouveau, puis redescend encore une fois son verre, avant d’en faire disparaître le contenu...

Après ces agapes, il est difficile de faire gagner la salle de concert à certains d’entre nous... Pourtant démarre la première partie assurée par le Thierry Carpentier trio. Deuxième claque du festival... Au début, on s’inquiète un peu du déroulement du show car Thierry accumule les problèmes :
1. Mal de gorge l’empêchant partiellement de chanter ;-)
2. Stick en polycarbonate qui se désaccorde tout le temps ;-)
3. Son Stick a un accordage injouable (même Greg Howard n’y pite rien, c’est dire...) ;-)

Bref, tous les éléments se déchaînent contre lui... Mais, malgré cela, il arrive à mettre carrément le feu à la salle, avec son mélange inédit de jazz, blues, reggae, cajun... Il ne faut pas non plus oublier qu’il est accompagné de main de maître par un backing-band implacable de groove, assuré par Alain Raman à la basse et David Gore à la batterie. C’est l’autoroute, c’est pépé dans mémé après 40 ans de mariage, y’a plus de problèmes, on est en terrain connu, quoi !!!

Avant que Greg Howard ne monte sur scène, l’intermède est donc assuré par un duo Bob Culbertson/André Pélat pour quelques pièces classiques, puis par le Sticktet mené par Pascal Gutman qui délivre un Libertango de grande qualité, surtout si on considère le peu de temps consacré à sa répétition. Chapeau.

Le troisième coup de chapeau du festival sera donné à Greg Howard qui monte sur scène aussitôt après. Pendant ces quelques jours passés ensemble, il n’a fait nul doute que Greg Howard est un immense musicien. Pourtant, personnellement, je m’inquiète un peu quand j’apprends que ça fait plusieurs mois que lui et son batteur hollandais pour l’occasion n’ont pas joué ensemble. L’après-midi était d’ailleurs consacré à une répétition/soundcheck... Mais les inquiétudes se dissipent vite quand les deux lascars commencent à jouer, et on s’aperçoit vite que ces deux-là sont indéniablement de très très bons musiciens, particulièrement à l’écoute l’un de l’autre. Car le répertoire de Greg Howard emprunte énormément au style jazz-fusion, et les thèmes, très mélodiques et mémorisables au demeurant, sont souvent le prétexte à des improvisations assez furieuses et débridées durant lesquelles lui et Jan Wolfkamp nous font montre de l’étendue de leurs talents, de leur musicalité et de leur complicité. Bref, un grand grand moment. Le premier rappel passé, Greg Howard invite Michael Manring pour le traditionnel bœuf, au cours duquel ils interprètent deux standards du jazz ainsi que le "All along the Watchtower" du sieur Bob Dylan.

Et c’est sur ces notes que s’achève ce 4ème festival d’Allaire. Un dernier détour par la case départ, à savoir le bar de la salle, pour les ultimes adieux, et chacun prend congé... jusqu’à l’année prochaine... ;-)

Remerciements

Il est plus que risqué de réserver un espace aux remerciements de tout poil, il y aura forcément des oublis... Pardon d’avance à ceux que nous allons oublier...
A tout seigneur... Première haie d’honneur pour Alain Launay et Vincent Meunier, qui, en organisant ce festival, envers et contre tous, ont été les premiers artisans de la renaissance de l’AFSTG en 2003, et qui ont ainsi permis à certains d’entre nous (et à moi en particulier) de rencontrer des personnes géniales... Au nom de l’AFSTG, merci encore pour ce festival, en espérant que les prochaines éditions seront au moins aussi riches en rencontres.

Bien sûr, les remerciements de l’AFSTG vont également à toute l’équipe du CLAC et ses bénévoles qui assurent derrière, avec une mention toute spéciale aux hôtes qui ouvrent les portes de leur demeure aux musiciens sans le sou comme nous, et aussi à l’équipe culinaire menée par le vénérable chef Bruno, sans laquelle nous seront anémiés depuis longtemps. Une autre salve de remerciements est tirée en direction de toute l’équipe technique, archi-professionnelle et hypra-compétente, qui nous a offert chaque soir des spectacles d’une très haute qualité sonore et visuelle.

Merci aussi aux artistes présents, tout particulièrement Greg Howard pour sa patience pendant les cours et sa disponibilité sans faille, ainsi qu’André Pélat, Bob Culbertson et Ron Baggerman, d’être venus de si loin pour simplement participer à la fête.


Et enfin, last but not least comme on dit en Ricanie, un grand merci à vous, adhérents de l’AFSTG, qui avez répondu présents à notre stage à Allaire.

Bruno RICARD (et le bureau de l’AFSTG)
Le 14.01.2005





Bon, on se voit l’année prochaine ??? ;-)